Brisée

Une nouvelle que j'avais écris il y a quelques années et posté sur CdO. Je l'ai retouché pour qu'elle soit plus travaillée, j'aimerais des avis car je vais sans doute la présenter à un concours de nouvelles pour les étudiants universiataires

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Je suis une jument grise de taille moyenne, assez légère. J'ai été achetée par Alain, un apprenti-cavalier. Il savait parfaitement que j'avais un caractère difficile, j'ai entendu mon ancien propriétaire lui dire. Il lui a répondu que c'était un bon cavalier, il mentait.
Oui, je m'en suis bien vite rendu compte..
Les deux hommes ont fait affaire, et je me suis laissée emmener dans un lieu plutôt paisible, où je disposais d'un petit box. Après mes grands espaces, j'avais l'impression d'être complètement privée de mes moyens:
Seule et perdue, je tournais en rond jusqu'à ce qu'il vienne me voir. La première fois où je me suis trouvé en sa seule compagnie, j'ai su que ça ne passait pas entre nous: Il manquait d'expérience, c'était évident...
Sans prévenir, ses mains moîtes se sont abattues sur ma tête fine, comme deux entraves brutales et grossières au peu de liberté qu'il me restait. Tandis que je lançais un furieux coup de tête pour me dégager, il s'aggrippait littéralement à mon museau argenté, tentant désespéremment de me retenir.
Que se passait-il?
Mon coeur s'emballa, mes membres furent secoués d'incontrôlables tremblements, ils frappaient le sol bétonné avec la même fougue qui animait mon pauvre coeur.
J'étais si effrayée que je n'ai même pas compris qu'il voulait simplement me donner le mors, je me débattais comme une diablesse pour me libérer de ce piège inattendu, à demi-cabrée, dévoilant le blanc de mes yeux, poussant des hennissements qui déchiraient le silence de la petite plaine où j'avais emmenagé bien malgré moi.
Je ne voulais pas lui faire de mal. J'avais été surprise par son geste d'une incroyable gaucherie, voilà tout..

Lorsqu'il m'a monté la première fois, il m'a donné un coup dans la croupe en passant sa jambe par dessus mon dos: J'ai lancé une ruade de réflexe, les oreilles en arrière, manifestant mon indignation!
Il est tout de suite tombé.. J'en étais désolée..
Il n'a pas voulu réessayer, il m'a ramené au box en fulminant.

Et puis, le maréchal ferrant est venu pour changer mes fers, quelques heures plus tard. Mais moi, je déteste ça! Et puis, j'étais toujours deboussolée par les évènements: je ne me sentais pas chez moi, je ne savais pas si je reverrai mon ancien propriétaire, je ne savais pas pourquoi ce garçon m'avait emmené, je ne savais pas ce qu'il attendait de moi.. Sur les nerfs et inquiète, je me suis débattue lorsque le maréchal a voulu prendre mon anterieur: Non non non je ne resterai pas sur trois jambes dans cet environnement inconnu!
Je me serai sentie totalement vulnérable, je n'étais pas du tout en confiance et il était hors de question de me soumettre à cette brute épaisse et moustachue.
Une nouvelle fois mon coeur s'est emballé, tembourinant dans mon poitrail brûlant, tandis que le maréchal lançait des jurons de sa grosse voix agressive.
-Ah ça! Il lui manque quelques bons coups de bâtons à votre canasson!
Comment! Cet effronté osait parler de moi ainsi! J'en étais si outrée que j'ai donné libre cours à ma rage....
Les outils du pauvre homme volaient dans tous les sens, je ne tenais plus en place, je voulais m'en aller, quitter ces lieux que je détestais à présent, ces gens que je ne voulais pas connaître, ne plus jamais les revoir!
Mes pieds martelaient le sol dans l'espoir que quelque chose cède et me rende enfin ma liberté; mais malgré mes efforts rien ne cassait.

Quelques jours passèrent après cette colère passagère. Alain ne venait que pour me nourrir, mes membres s'engourdissaient dans cet espace si restreint.
Je n'avais aucun compagnon, je passais mes journées seule à me morfondre, à mordre la porte du box. Piètre vengeance..
Et puis un jour il est venu à une heure inhabituelle.
Une étrange lueur brillait dans ses yeux. Il semblait déterminé, et au premier abord cela m'a plut: Il avait peut-être enfin compris que la perséverance payerait avec moi?
Après tout je n'étais pas un cas à part, je n'avais été qu'une jument effrayée par les évènements, et à présent j'étais une bête effondrée d'ennui et de solitude.
Mais j'ai très vite déchanté.
Dans sa main droite une bride, dans l'autre.. Un bâton. Un bâton épais qu'il serrait avec conviction dans son poing.
Méfiante, je l'ai laissé entrer dans le box avec les yeux rivés sur son "arme". Il m'a attrapé la tête encore plus brutalement que la première fois, m'a cogné le mors dans les gencives sans même me laisser le temps d'ouvrir la bouche.. et je n'ai pu réprimer un hennissement de douleur et de surprise. J'ai reculé pour échapper à son étreinte cruelle, et alors que ma croupe touchait déjà le mur du fond du box, je me suis cabrée de désespoir. Et c'est là.. C'est là que ça a commencé. Le bâton s'est levé, pour s'abattre sur mon épaule. J'en suis devenue folle..
Appeurée, je cognais de tous les côtés, cherchant à m'enfuir, cherchant à le faire arrêter: Le bâton frappait, frappait; au plus je cognais et au plus il me cognait..
Le bruit infernal de mes sabots contre les murs ou contre le sol résonnait si fort que j'en avais mal à la tête.
Je me déchainais, mais la douleur que m'infligeait le terrible objet finissait par avoir le dessus sur ma rage démesurée.
Il avait finit par se briser sur mon dos tant il avait frappé fort, brisé comme les derniers vestiges de joie de vivre qui me restaient, auprès de cet homme sans pitié ni compréhension, sans douceur ni affection.

Oui, j'ai finis par me calmer. Avais-je le choix? La croupe et les flancs meurtris, les muscles douloureux, j'ai baissé la tête et je n'ai plus osé bouger. A présent je fais ce qu'il me demande, sans demander mon reste..
Je regarde passer parfois plusieurs semaines par la fenêtre de mon box, ces petites plaines j'en connais par coeur la moindre bosse, le moindre brin d'herbe.
Ma porte est quasiment rongée du quart, j'ai des échardes dans les dents, le poil terne, l'oeil sans éclat.
Parfois il vient me chercher, les seules fois où j'ai l'occasion de bouger un peu.. Mais j'en profite à peine.
Je galope oui, s'il me le demande, mais ce galop est aussi morne que mon existence, c'est à dire sans vie. C'est cela, je n'ai pas de vie..

Nous n'avons aucune complicité. Peut-être croit-il en avoir avec moi, en tous cas il se trompe. Il a perdu la confiance que j'aurais pu lui attribuer depuis ce sombre jour, il n'a pas essayé de me comprendre. Jamais je ne serai heureuse de le voir arriver vers moi, jamais je ne hennirai pour lui montrer mon insatisfaction de le voir s'éloigner.
Tout est sombre, sans goût.. Sans intérêt, sans plaisir.
Des centaines de chevaux sont ainsi cassés par leur propriétaire, le plus souvent lors du debourrage. Je ne suis qu'une parmis tant d'autres...

C'est très beau...
Et très vrai aussi...

Le texte est vraiment bien fait!

Mici

Je trouve que l'histoire est bien construite, les idées bonnes, pour un lecteur humain la compréhension est facilitée, mais tu pourrais être encore plus fidèle à la suposée pensée animale.

Citation :: au plus je cognais et au plus il me cognait..

Il faudrait mieux mettre "Au plus je cognais et plus il me frappait..."

Comme LN, mais sinon c'est ...Wouaw Shocked

!

Merci
Pour la répétition, c'était un effet de style pour créer une sorte de répétition perpetuelle.. Répétition du mot car répétition des coups en quelque sorte ^-^

(Le titre m'a attirée. ^^)

Je ne suis pas habituée à lire des histoires à la première personne du singulier et encore avec des animaux, d'ordinaire, je n'aime pas, mais là... Là, ce texte est très beau.
On ressent bien l'émotion de la jument mais peut-être pourrais-tu accentuer la sensation qu'elle est à l'étroit dans son box... (Remarque, je dis ça, mais je n'en serai peut-être même pas capable moi-même xD.)

Il y a juste deux petites choses concernant l'écriture que j'ai à dire :

Citation :: "Et puis, le maréchal ferrant est venu pour changer mes fers, quelques heures plus tard. Mais moi, je déteste ça! Et puis, j'étais toujours deboussolée par les évènements..."

La répétition me "gêne" et il manque juste un accent à "déboussolée". ^^

Et une faute, ici :

Citation :: Je ne suis qu'une parmis tant d'autres...

"Parmi"(invariable). ^_^

Superbe texte. =)

fantastique !
je ne connaissais pas cet expression 'au plus je cognais, au plus il frappait'
moi je dis 'plus je cognais, plus il frappait'

bref ^^

c'est superbe! j'aime beaucoup ! je ne vois rien d'incorrect !
bravo !

Oh je l'avais oubliée!
Merci à vous deux pour vos commentaires et pour m'avoir rappelé son existence x)

Mais de rien ! ^_^