Circonstances rapprochantes...

A peine descendue de la voiture, je subis un choc de température. De la douce fraîcheur produite par ma merveilleuse climatisation, je passe à la canicule, sans transition. Et la foule présente n'arrangera pas la chaleur étouffante de ce mois de juillet. Il est onze heure, et déjà les anciens lycéens grouillent de partout, la plupart étant naturellement concentrés en un seul et même lieu. En effet, j'aperçois au dessus de leurs têtes une affiche indiquant l'emplacement des résultats, justifiant cet entassement massif. Je me dirige vers eux, et pour une fois, ma petite taille est un atout. Me faufilant avec peine entre les candidats, j'arrive finalement à sa hauteur.
Malgré la foule, je n'avais mis que quelques seconde à le repérer après être sortie du véhicule. Sa carrure de basketeur le faisait ressortir du lot, il faisait partie des plus grands. Cette couleur de peau, ces longs fils partant de ses oreilles jusqu'à la poche de son pantalon, ça ne pouvait être que lui.
«Salut! », lui ai-je lancé d'un ton enjoué, essayant de contrôler au maximum ce sourire niais qui se dessinait sur mon visage, malgré ma volonté. Il semble surpris, mais assez content de me voir, et me rend mon sourire. Ses dents contrastent avec sa peau bronzée, ce qui leur donnent en permanence cet aspect éclatant.
« - T'es tout seul? Où est Léo?
- J'ai cru remarqué une petite à côté de moi, donc non, je ne suis pas seul, me répondit-il, fier de sa blague. Nan, reprit-il plus ou moins « sérieusement »: Léo, toujours aussi doué (soit dit en passant), a... râté son bus. Il sourit à nouveau et hausse les épaules.
- Ok. Mais t'es là depuis longtemps? T'as pas encore pu voir les résultats? Je voyais bien qu'il avait l'air moins zen que d'habitude, plus touché par la situation que ce qu'il laissait paraître.
- Non, et certains passent un quart d'heure sous le tableau, ce qui commence à m'énerver..., me dit-il en changeant soudain de moue.
- Allez viens, suis la « petite »! lui ordonnai-je d'une voix qui se voulait rassurante. »
Je le prends par la main, surprise par ma propre initiative. Il sursaute légèrement, inhabitué à ce genre de contact entre nous. Avec lui derrière, j'ai plus de mal à m'avancer vers le pied du mur. Il faut dire que c'est moins discret et innocent que lorsque je suis seule. Je manque de lui envoyer un ironique « tu sais, c'est pas parce que t'es noir que tu dois te laisser faire! », ce que je fais souvent en réponse aux vannes destinées à ma taille, mais je me ravise juste à temps. Je sens que ce n'est pas le moment de plaisanter. Lorsque nous arrivons à une distance convenable des affichages, nous commençons à chercher les résultats. Je suis bien plus inquiète pour les siens que pour les miens, quasiment certaine de ma réussite. Non pas que je sois vaniteuse, mais pas non plus une fausse modeste...
Son nom étant au début de l'alphabet, le suspens n'est plus bien long. Je sais que s'il a réussi, il partira loin de moi. Il pourra donner une chance à sa passion de devenir son métier. S'il a échoué, il restera par ici, mais triste et déçu, la tête ailleurs. Je veux continuer à le voir, tout en sachant qu'il ne m'appartient pas, et qu'il ne connait même pas les sentiments que j'éprouve pour lui. Avec un pincement au coeur, mais sincèrement, j'espère que la réponse sera positive.
« - Tu l'as eu! Du premier coup! », me suis-je écriée en même temps qu'il me lançait...
- Bravo! Mention Bien, c'est pas si mal pour une ptite meuf! »
Et, sans rien contrôler, je lui saute au cou. Aussitôt mon geste réalisé, je me dégage, le rouge me montant aux joues. La chaleur ambiante est accentuée par le sourire qu'il m'adresse, je fonds. Cette fois c'est sa main qui vient chercher la mienne, et qui me tire à l'écart de la foule oppressante.

De l'autre côté de la rue, Léo descend de son bus. Déjà découragé par le vue de tout ce monde, son regard redevient tout à coup interessé. Il croit apercevoir deux personnes qui lui sont familières, sortir main dans la main du tas d'adolescents. Il doit se tromper, ça ne peut pas être eux. Il tente de les appeler pour s'en assurer, agite la main, sans réponse. Soudain, après s'être regardés dans les yeux, les deux bacheliers s'embrassent. Assez proche désormais pour distinguer ses amis, Léo pense tout haut « Et bah, ils en ont mis du temps! »...